L'interprofession des semences et plants
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« 20% des surfaces en bio, c’est possible, mais compliqué pour certains »

Mai 2018

Lucien Laize
Agriculteur-multiplicateur de semences potagères bio

L’avenir est dans le bio : cet agriculteur- multiplicateur de 32 ans, installé dans le Maine-et-Loire, en est convaincu. Un choix qu’il assume malgré les obstacles, appelant de ses vœux une filière de semences biologiques solide en France.

Que représente le bio au sein de votre exploitation ?

En 2012, j’ai rejoint l’exploitation familiale de 25 hectares où mes parents pratiquaient la culture conventionnelle de semences sous abris. J’ai aussitôt fait les premiers semis en bio. Aujourd’hui, ces derniers occupent 10% des tunnels, soit 1 000 m2 de salades, oignons, carottes et tomates. S’y ajoutent, depuis 2015, des petits lots plantés en plein champ, soit 8 000 m2. A surface égale, le bio génère de 15 à 20% de chiffre d’affaires supplémentaire, mais exige beaucoup plus de travail et comporte des risques accrus (insectes, maladies…). C’est pourquoi nous continuons en parallèle la culture conventionnelle, moins risquée.

Quelle est votre motivation pour produire en bio ?

Cultiver la terre en respectant les équilibres écologiques, la biodiversité et les sols, c’est évidemment meilleur pour l’environnement et notre santé. Malgré les contraintes, je prévois d’en augmenter la surface, car l’avenir réside dans le bio. Mais il faut que les risques pris par les agriculteurs soient diminués grâce au soutien de partenaires engagés. Si je trouvais ces partenaires, je serais prêt à passer à une agriculture 100% biologique.

Le plan de développement de la filière semences et plants fixe à 20% la surface agricole utile en bio en 2022. Est-ce un objectif accessible ?

Oui, s’il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble des productions agricoles. Les grandes cultures mécanisables, telles que les semences de céréales, protéagineux et fourragères, y parviendront. Pour les potagères, c’est beaucoup plus compliqué : produire une semence exige parfois douze mois en terre. Ce temps incompressible est en plus lesté par un cahier des charges AB [Agriculture biologique] très strict. A tel point qu’en cas d’attaque d’insectes, nous nous retrouvons impuissants à agir ! L’exigence est telle que de plus en plus de semences potagères bio sont produites à l’étranger.

Comment construire une filière de semences bio solide en France ?

L’existence de dérogations pour les utilisateurs de semences biologiques freine le développement de ces dernières (les agriculteurs bio ont le droit, pour certaines variétés, de ne pas acheter de semences bio). En France, ces dérogations sont de plus en plus limitées, mais il faudrait les supprimer, en particulier chez nos voisins européens, où l’utilisation de semences conventionnelles par les maraîchers bio est souvent la norme. Il faut aussi habituer les consommateurs à payer le bio à son juste prix, afin que l’agriculteur puisse en vivre. En bradant les prix avec des produits importés de pays moins exigeants, nous n’en prenons pas le chemin. Cela relève d’une volonté politique !